vendredi 20 mars 2015
PKP, sur
l'immigration: de sociologue à
homme politique
par Robert
Barberis-Gervais
Au «club des ex»
du jeudi 19 mars, en
introduction à une discussion
sur les propos tenus par PKP sur
l'immigration, un Simon
Durivage décontracté a dit:
«C'est vrai que le Parti
québécois malgré tous ses
efforts a de la misère a obtenir
l'appui des immigrants sur son
projet indépendantiste. Si un
sociologue avait dit la même
chose, on aurait dit: c'est
vrai. Si c'est PKP, on fait
toute une histoire. Qu'en
pensez-vous?» C'est bien poser
le problème.
Ce qui est assez remarquable
dans le soi-disant malaise
qu'aurait perçu le très sensible
Pierre Céré, c'est qu'on
s'attend à ce qu'un sociologue
dise la vérité mais qu'on exige
du politiquement correct de la
part de l'homme politique.
Et le premier ministre Couillard
parle du retour du nationalisme
ethnique et Gaétan Barrette qui
n'est pas démagogue seulement
quand il parle de santé, fait un
amalgame entre le Parti
québécois et le Front national.
Le sommet de cet environnement
politique pollué par les
libéraux a été atteint quand
Jacques Parizeau a attribué la
défaite du référendum de 1995 «à
l'argent et des votes
ethniques». Il est nécessaire
de faire une mise au point sur
le sens de la déclaration du
chef du camp du OUI. Disons
d'abord que si Jacques Parizeau
avait mis l'accent sur l'argent
et avait été logique avec
lui-même. il n'aurait pas
démissionné et aurait contesté
la très courte victoire du NON
par 50,000 votes sur 4.7
millions de votes. Il aurait dit
que le camp du NON n'avait pas
respecté la loi québécoise sur
les référendums qui plafonne les
dépenses. Et que cela enlève
toute légitimité à la victoire
du NON. C'est ça que ça voulait
dire: «l'argent» comme cause de
la défaite du camp du OUI.
Parizeau aurait créé une
commission d'enquête qui aurait
trouvé tout ce que contient le
livre de Robin Philpot. «le
référendum volé» et, en plus,
l'existence d'Option Canada
tenue secrète et qui a dépensé
des centaines de milliers de
dollars ce façon illégale. Le
Non a triché et il fallait
contester sa victoire entachée
d'irrégularités. Ce pays qui
s'appelle le Canada repose sur
une victoire militaire des
Anglais en 1760 et sur une
tricherie en 1995. Ça ne fait
pas des bases très solides pour
un pays.
Mais revenons à notre sujet.
Robin Philpot a démontré que les
autorités fédérales ont accéléré
le processus de naturalisation
de milliers d'immigrants pour
qu"ils puissent, après avoir
prêté serment à la Reine
d'Angleterre, voter NON au
référendum. (PKP a parlé de ce
fameux serment…).
Qu'a voulu dire Jacques Parizeau
en parlant «des votes
ethniques». Ceux qui aiment
déchirer leurs vêtements pour
jouer les scandalisés devant
cette déclaration ont oublié le
contexte que voici. On a oublié
que les leaders des communautés
juives, italiennes et grecques
ont fait une conférence de
presse conjointe lors de la
dernière semaine de la campagne.
Ils ont dit: «Si vous êtes Juif,
vous allez voter NON. Si vous
êtes Italiens, vous allez voter
NON. Si vous êtes Grecs, vous
allez voter NON.» Le vote
technique dénoncé par Jacques
Parizeau, c'est le vote des
immigrants en faveur du Canada.
Le nationalisme canadien est un
nationalisme ethnique.
Qu'a voulu dire PKP en affirmant
qu'on perdait un comté par année
à cause des immigrants?
N'oublions jamais que PKP a
toujours un point de vue
indépendantiste quand il parle
de politique ou d'économie. Il
existe une science humaine qui
s'appelle la sociologie
électorale. Elle consiste a
analyser objectivement le
comportement des électeurs lors
des élections ou des
référendums.
Pierre Drouilly est un maître de
la sociologie électorale.
Qu'est-ce que ses études
démontrent? Elles démontrent que
plus un comté a d'anglophones et
d'ex-immigrants, plus le parti
libéral a des chances de gagner
aux élections et plus le NON
aura de votes lors d'un
référendum. La sociologie
électorale nous montre que le
Parti libéral du Québec a
vingt-cinq comtés de sûrs à
chaque élection a cause du vote
anglophone et du vote des
allophones ou ex-immigrants.
Cela serait facile à démontrer.
On ne parlera pas du rapport
Durham qui proposait de noyer
les Canadiens (les français de
l'époque) dans une mer
d'anglophones par le moyen de
l'immigration. Depuis 1995, à
50,000 immigrants par année,
cela fait un million de
personnes qui sont
principalement concentrés dans
la région de Montréal. Ils ont
été reçus au Canada et en
recevant la citoyenneté
canadienne, ils ont prêté
serment à la Reine d'Angleterre.
Ils sont donc Canadiens avant
tout. Comment les convaincre de
choisir le Québec? C'est une
mission très difficile. C'est
pourquoi les francophones
devraient se réveiller et qu'il
est urgent qu'ils cessent de se
diviser. Bientôt, il sera trop
tard. C'est ce que dit PKP. Et
c'est vrai.
Il faudrait savoir à quel point
de vue on se place pour
condamner ses propos. D'un point
de vue indépendantiste, il a
parfaitement raison. Du point de
vue de la sociologie électorale,
il a raison. Est-ce qu'il y a
seulement les sociologues et les
politicologues qui ont le droit
de dire la vérité?
Du point de vue politique, les
ex-immigrants ont le droit de
vote et la démocratie demande de
les respecter. Les
indépendantistes doivent aussi
dire qu'ils vont essayer de les
convaincre d'embarquer avec nous
dans la construction d'un pays.
Mais il ne faut pas tomber dans
l'angélisme. Avec les structures
d'accueil canadiennes, avec le
serment à la Reine d'Angleterre
qui une grande portée
symbolique, nous arrivons
deuxième. C'est ce que PKP a
dit. Et c'est vrai.
Rude tâche pour lui de vaincre
l'angélisme des uns et la basse
démagogie et l'hypocrisie des
autres.
Laissons la parole à PKP
lui-même: il passe de sociologue
à homme politique. Ce jeudi 19
mars sur sa page Facebook vers
18 heures, il a écrit:
«Mes excuses.
J'aimerais m'excuser de la
malheureuse phrase sur la
démographie et l'immigration que
j'ai dite hier. Cette phrase
était inappropriée et ne reflète
pas ma pensée. Le succès de
notre projet collectif dépend de
notre capacité de rassembler
l'ensemble des Québécois de
toutes origines. J'entends faire
preuve de leadership sur cette
question, poser des gestes
concrets pour maintenir le
dialogue avec les communautés et
travailler fort pour mieux
expliquer le projet et les
bénéfices de l'indépendance du
Québec.
Si je me suis engagé en
politique, c’est pour faire du
Québec un pays qui continuera
d’être généreux pour l'ensemble
des citoyens, quelles que soient
leurs origines. Je travaille
d’ailleurs étroitement avec le
député de Bourget Maka Kotto
pour que nous engagions un
dialogue constant, riche et
convergent de nos expériences
respectives. C’est un objectif
incontournable.»
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
vendredi 20 mars 2015
barberis@videotron.ca
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