mercredi 25 mars 2015
Le témoignage
de l'ex-immigrant Maka Kotto
par Robert
Barberis-Gervais
Cela a commencé
lors de l'assemblée de
Longueuil-Pierre-Boucher qui a
choisi Denis Trudel comme
candidat du Bloc québécois pour
les élections fédérales
d'octobre prochain. Trudel a
fait un excellent discours mais
ce qui m'a surtout frappé c'est
l'aplomb et la force tranquille
de son présentateur Luc Picard.
J'ai fait passer le message que
Luc Picard ferait un excellent
député du Bloc à Ottawa. Le
grand ami de Pierre Falardeau
qui a joué les rôles de Michel
Chartrand et de Chevalier De
Lorimier pourrait jouer son plus
grand rôle à Ottawa.
Pendant le décompte des voix,
Maka Kotto, fin causeur, nous a
dressé la parole. Maka Kotto est
député du Parti québécois dans
Bourget depuis 2008. Il est le
porte-parole de l'opposition
officielle en matière
d'immigration et le porte-parole
responsable de la Charte de la
langue française.
Auparavant, Maka Kotto a été
député du Bloc québécois à la
Chambre des communes du Canada
de 2004 à 2008. Après des études
en sciences économiques, droit,
sciences politiques, arts
dramatiques et
cinématographiques, Maka Kotto a
été comédien de théâtre et
d’humour, metteur en scène,
acteur de cinéma et de
télévision en Europe, en
Afrique, en Asie et au Québec de
1984 à 2004. Il est le mari de
Caroline St-Hilaire, mairesse de
Longueuil. Il a joué dans 37
films. Il s'est fait remarquer,
excusez-moi de le rappeler, en
disant que ceux qui contestaient
le leadership de Pauline Marois
devraient aller voir le
psychiatre. Il a été ministre de
la culture dans le gouvernement
Marois; il a piloté la loi sur
le prix unique du livre. Il est
né à Douala au Cameroun le 7
décembre 1961 et est arrivé au
Québec en 1990.
A Longueuil, il a parlé du défi
auquel fait face le Parti
québécois: convaincre les jeunes
et les immigrants. A propos des
immigrants, il a invité les
indépendantistes à aller vers
eux en donnant un exemple très
simple. Dans une réunion où on
dit: allons prendre une bière,
l'ex-immigrant ne viendra pas
spontanément. Il faut aller le
chercher et l'inviter
personnellement.
Depuis 1995, à 50,000 immigrants
par année, en vingt ans, un
million d'étrangers sont venus
au Québec et se sont installés
dans la grande région de
Montréal. Il a expliqué pourquoi
les immigrants sont portés à ne
pas appuyer le Parti québécois.
Tout le système d'accueil des
immigrants est fédéral, du visa
jusqu'à la cérémonie du serment
à la reine d'Angleterre. Il nous
a fait une confidence. Ça lui a
pris cinq ans avant d'échapper à
ce conditionnement en faveur du
Canada. Il est alors devenu
indépendantiste. Mais
l'immigrant est accueilli
d'abord au Canada. Et le Canada
en profite pour vendre sa salade
multiculturaliste. Et au moment
le plus émotif où l'immigrant
change de pays et devient
Canadien, on lui fait prêter
serment de fidélité à la Reine
d'Angleterre qui est la Reine du
Canada. C'est ce système qui est
favorable au Canada tel qu'il
est et défavorable au Québec
possiblement indépendant que
Maka Kotto a dénoncé. Comme
Pierre Karl Péladeau.
C'est ce que Maka Kotto a
expliqué dans les médias suite
aux excuses de PKP publiées sur
sa page Facebook. Au fond, ce
n'était pas des excuses mais
plutôt une mise au point. PKP a
senti le besoin de faire des
excuses à cause de la réaction
pitoyable de ses concurrents à
la lutte pour la direction du
Parti québécois particulièrement
Martine Ouellet et Pierre Céré;
profitons-en pour dire à
Alexandre Cloutier de ne pas
verser dans l'angélisme et de ne
pas nous obliger à penser que le
lac St-Jean est fort loin de
Montréal.
Il a fait des excuses aussi, mon
avis, pour avoir donné
l'occasion au Dr Philippe
Couillard d'accuser le Parti
québécois «de dérive vers le
nationalisme ethnique» et au Dr
Gaétan Barrette d'accuser le PQ
«d'être sectaire et d'importer
ici le Front national». Gilles
Toupin leur demande de faire des
excuses. Mais ce sera en vain.
Les moins jeunes de mes lecteurs
se souviendront du Dr Jacques
Ferron qui a fondé le parti
Rhinocéros pour souligner la
bêtise et la grossièreté des
fédéralistes. Et bien, nous
nommons Philippe Couilard et
Gaétan Barrette membres à vie du
Parti Rhinocéros.
Martine Biron s'est encore
illustré en inventant
subjectivement le «climat de
panique» des députés péquistes
suite aux déclarations de PKP.
Elle a demandé à celle qui,
après mûre réflexion, refuserait
de travailler avec un intégriste
contrairement à son chef qui les
adore, Kathleen Veil, ministre
libérale de l'immigration, de la
diversité et de l'inclusion, si
elle croyait que les excuses de
PKP étaient sincères. Car il
faut savoir qu'il ne suffit pas
de faire des excuses, il faut
que les excuses soient sincères.
Et qui jugera de la sincérité
des excuses? La géniale Martine
Biron a pensé que c'est une
ministre libérale qui, comme
chacun sait, a beaucoup de
tendresse pour PKP. Elle a
répondu que c'était difficile de
remettre le génie dans la
bouteille, traduction de "to put
the genie back in the bottle",
Allusion à Aladin et les
quarante voleurs, aucun lien ici
avec les libéraux.
A propos des explications fort
pertinentes et très claires de
Maka Kotto, au téléjournal,
Michel David a parlé
d'explications embrouillées et
laborieuses. C'est que
voyez-vous Maka Kotto n'a pas
enseigné comme moi dans un
cégep: je devais projeter ma
voix pour que m'entendent en
arrière de la classe d'une
trentaine d'élèves (au moins)
les jeunes filles bavardes et
les gars à casquette. Maka Kotto
ne projette pas sa voix. Il a
toujours le ton d'un fin
causeur. Il n'est pas tonitruant
comme les Rhinocéros du Parti
libéral. Alors il faut l'écouter
attentivement quand il parle.
Voici ce que dit Maka Kotto.
Malgré ses excuses publiques,
Pierre Karl Péladeau avait
raison «sur le fond» dans ses
propos sur l'immigration.
«Dans la mesure où son propos,
et on est dans la sémantique,
dérangeait énormément, je pense
qu'il a bien fait de clore ce
débat sémantique. Mais, sur le
fond, je persiste à l'effet que
le débat doit se faire», a dit
vendredi matin le député de
Bourget qui appuie
officiellement PKP dans sa
course à la chefferie.
Maka Kotto a maintenu que le
système d'immigration canadien
est «taillé sur mesure pour
isoler les francophones du
Québec». Le système canadien
d'immigration est un «obstacle»
à l'intégration des immigrants
au mouvement souverainiste,
estime-t-il.
Il a évoqué son propre parcours
lors de son arrivée au Québec il
y a une vingtaine d'années. «Ce
que [l'immigrant] croise tout au
long de son parcours, c'est la
symbolique canadienne», dit Maka
Kotto.
«Nous ne contrôlons pas notre
immigration, notre politique
d'immigration, a-t-il ajouté. Le
Québec joue un rôle mineur dans
le processus d'immigration et
d'intégration.» (Patrick
Bellerose, Huffingdon Post)
Le contrôle d'Ottawa sur
l'immigration fait des
Néo-Québécois des fédéralistes.
C'est ce que Mme Veil trouve
«parfaitement naturel et
normal». Est-ce qu'un
indépendantiste a le droit
d'avoir un autre point de vue
sans se faire traiter de
nationaliste ethnique ou
d'imitateur du Front national?
Puisque les ex-immigrants ont
tendance à intégrer la secte
libérale comme le prouve l'étude
des résultats des élections
depuis que le mouvement
souverainiste présente des
candidats aux élections, il est
normal et naturel que le Parti
libéral les chouchoute au point
de promouvoir un laisser-aller
total quant à la religion, aux
accommodements dits raisonnables
et quant à la langue française.
A l'imitation de PKP dont je
serais selon Pierre Dubuc «le
zélote», je terminerai cet
article en apparence décousu par
quelque chose que j'allais
oublier. Maka Kotto a rappelé
que lors de son élection comme
député du Bloc à St-Lambert, un
libéral fédéraliste frustré de
sa défaite l'a appelé «le
nègre». C'était rapporté par le
Courrier du Sud. Ce sont ces
gens-là qui viennent nous donner
des leçons d'ouverture.
p.s. J'appuie la demande
d'excuses de Gilles Toupin. Il
faudrait que Couillard et
Barrette aient de la classe.
Mais ce sont des politiciens de
la cour du roi Pétaud comme
disait Lucien Bouchard et dont
parle Molière dans le Tartuffe
(acte 1, scène 1).
Le témoignage de Maka Kotto
(suite).
Dans« Le Devoir » de samedi 21
mars, un article de Robert
Dutrisac réservé aux abonnés.
Voici ce qu’a dit Maka Kotto.
« Ce ne sont pas les immigrants
qui sont en jeu, c’est le
système taillé sur mesure pour
isoler les francophones du
Québec. »
« Il y a un système qui fait en
sorte que, quand on vient de
l’étranger, tous les symboles
qu’on traverse nous inculquent
de façon subliminale, je dirais,
une notion d’appartenance au
Canada, pas au Québec. »
L’immigrant est loyal à cette
symbolique d’autant plus qu’il
prête serment pour obtenir sa
citoyenneté. C’est l’ambassade
du Canada qui délivre le visa,
les douanes canadiennes qui
accueillent l’immigrant, les
autorités fédérales qui
accordent le statut de résident
permanent.
Ce système, « c’est un obstacle
en soi pour les souverainistes
». « Le sentiment
d’appartenance, il va être au
Canada, pas au Québec. Ça
demande beaucoup d’efforts, une
volonté pour que des
Néo-Québécois, des Québécois
d’adoption fassent le pas vers
le mouvement souverainiste. »
Lui-même, à son arrivée au
Québec, il y a plus de vingt
ans, fut« intégré à la sphère
fédéraliste ». « Ça pris cinq
ans pour m’amener à voir la
complexité de la question
nationale. » Il a fallu qu’il
rencontre Pierre Falardeau qui
lui a expliqué la situation du
Québec « en faisant des
parallèles avec l’Afrique,
l’Amérique latine où les gens se
sont battus pour leur liberté. »
Et Maka Kotto de conclure : «
Nous ne contrôlons pas notre
immigration. Le Québec joue un
rôle mineur dans le processus
d’immigration et d’intégration.
»
Le débat doit se faire. PKP a le
mérite de l’avoir provoqué.
p.s. Selon Chantal Hébert, aux«
Coulisses du pouvoir », le
principal problème du Parti
québécois est la fragmentation
du vote francophone en quatre
partis politiques : PLQ, PQ, CAQ,
QS.
Robert Barberis-Gervais,
Vieux-Longueuil,
mercredi 25 mars 2015
barberis@videotron.ca
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