« Agir
ensemble pour notre région »
- Denis Marion
Massueville,
le 8 juin 2020
Chers
collègues du Conseil de la MRC,
Nous
n’avons pas souvent l’occasion
d’échanger ensemble de nos
visions respectives de l’avenir
de notre région. Elles
transparaissent dans nos
discussions et dans nos débats,
mais il est rare de pouvoir
simplement en discuter.
Inévitablement, et
malheureusement, elles ont
tendance à s’affronter à
l’occasion de prises de
décisions, souvent quand il est
question d’argent; et cela rend
nos échanges difficiles.
J’ai eu
envie de vous écrire pour vous
partager la mienne. Vous me
rejoindrez peut-être sur
certains éléments, vous
constaterez des divergences sur
d’autres, mais au moins, j’aurai
eu l’occasion de vous présenter
et de vous expliquer comment je
vois les choses. J’espère que
ça vous aidera à comprendre le
sens de mes interventions et de
mes prises de positions lors des
Comités généraux de travail ou
des séances du Conseil de la MRC.
Les
leviers du développement
J’ai joint
le Conseil de la MRC en 2005, il
y a une quinzaine d’années.
Maire d’une petite municipalité,
il m’apparaissait normal de
contribuer au développement de
mon village à travers une
instance ayant une portée plus
grande. À travers les ans, au
gré des contacts, des échanges
et des connaissances acquises,
j’ai pu constater l’importance
de ce que le gouvernement
appelle aujourd’hui « la
coopération intermunicipale ».
Je considère que nous avons de
la chance d’avoir une instance
régionale qui permet justement
de concrétiser cette coopération
intermunicipale.
Je joins à
ce courriel le document
« Orientations stratégiques
2017-2022 – MRC Pierre-De Saurel »,
adoptées par le Conseil de la
MRC à l’été 2017. C’est le fruit
du travail du comité régional de
développement. Les consultations
et le travail réalisé visait à
identifier les orientations de
notre action collective. Nous
souhaitions rédiger un document
simple, clair et qui définit
trois grandes orientations. J’y
reviendrai.
Partout à
travers le Québec, les MRC
travaillent au développement de
leur territoire. Toutes les
régions sont différentes, elles
ont des défis qui leur sont
propres mais généralement, une
chose les unit : elles ont une
vision de ce qu’elles veulent
faire ensemble. Et pas seulement
les membres du Conseil de la MRC,
mais aussi les partenaires du
développement. La formule
gagnante n’est pas très
complexe : le Conseil de la MRC
adopte des orientations après
avoir consulter ses partenaires
puis il définit des actions
collectives, à réaliser avec des
partenaires, qui permettent de
favoriser le développement.
Dans la
vision gouvernementale, le Fonds
de développement des territoires
(FDT) transformé cette année en
Fonds régions ruralité (FRR)
vise justement à offrir des
montants qui permettent de mener
ces actions collectives. Sur la
même volonté de favoriser la
coopération, le Fonds d’aide au
rayonnement des régions (FARR)
vise à soutenir l’action sur le
territoire d’une région
administrative, la Montérégie
dans notre cas.
Et pourquoi
est-ce si important de
bénéficier de ces sommes pour
travailler ensemble? Parce que
généralement, elles constituent
des montants-leviers permettant
d’aller chercher d’autres
montants dans d’autres
programmes gouvernementaux pour
avoir un impact beaucoup plus
grand. Tout ça exige cependant
une vision à long terme. C’est
la persistance, la cohérence, la
persévérance qui permet à ces
régions d’obtenir des résultats.
Le fait de
prendre la plus grande partie de
ces sommes pour les diviser et
les redistribuer vers les
municipalités locales freine la
capacité d’augmenter leur
impact. Et c’est bien dommage.
Quand nous
avons commencé le projet du parc
éolien, nous avions en tête, à
cette époque qui peut sembler
lointaine, de constituer un
fonds qui justement pourrait
être investi dans le
développement de la région, en
tablant sur la force que pouvait
constituer la présence d’une
ville-centre, Sorel-Tracy. Nous
savions que nous avions besoin
d’un fonds de 1 ou 2 millions$
par année pour ne plus se
limiter à de petits projets et
pour modifier la structure même
de notre région en décroissance,
ou le vieillissement de la
population plombait son
développement. Nous savions
également que nous ne voulions
pas utiliser les taxes provenant
de nos concitoyens pour
constituer ce fonds. Le
gouvernement de l’époque
souhaitait justement que nous
devenions des « MRC
entreprenantes », c'est-à-dire
que nous puissions générer de
l’argent neuf, ne provenant pas
de la poche des citoyens.
Répondre
aux défis de la région
Nous savons
depuis plus de 30 ans que nos
défis sont assez clairs : nous
n’arrivons pas à augmenter notre
population, nous avons besoin de
diversifier notre économie pour
ne pas dépendre d’une seule
industrie, la métallurgie (tout
en la soutenant le plus
possible, évidemment car elle
est actuellement le cœur de
notre activité économique) et
nous devons renforcer le secteur
commercial de la ville-centre en
y invitant les consommateurs de
la région.
Pour
réaliser cela, il faut trois
choses : développer un cadre de
vie de qualité pour garder nos
jeunes et en attirer d’autres,
favoriser la diversification
économique en tablant sur le
développement de l’entrepreneurship
et sur le développement de
l’autre grande force de la
région qu’est la transformation
agro-alimentaire, et augmenter
le sentiment d’appartenance à
notre région pour que la
population qui y réside trouve
naturel d’y vivre, d’y étudier,
d’y consommer, de s’y divertir,
et de contribuer à son
développement par tous les
moyens.
Mais il
faut aussi que le Conseil de la
MRC se dote d’outils importants
pour relever ces défis. Notre
travail, au Conseil de la MRC,
devrait consister à mobiliser
les partenaires pour que nous
travaillions tous dans la même
direction. Jetez un coup d’œil
aux pages 8 à 10 du document que
j’ai joint à ce courriel. Vous y
verrez toutes les actions
suggérées, qu’il est possible de
réaliser pour se créer un vrai
modèle de développement. Ce sont
des consensus créés avec nos
partenaires, prêts à y
contribuer. C’est de cela que
nous devrions parler, c’est à
cela que nous devrions investir
une bonne partie des montants
qu’on nous confie, tant avec le
FRR qu’avec les sommes qui
proviennent du Parc éolien.
Au lieu de
cela, tout ce que je vois et que
j’entends dans nos réunions,
c’est la volonté de dépecer
notre outil collectif de
développement, la MRC. Pour
moi, c’est scier la branche sur
laquelle nous sommes tous assis.
Je vais
donner un exemple. Certains
indices commencent à laisser
croire qu’avec la pandémie et
les changements qu’elle créée
dans le mode de travail, une
partie de la population du grand
Montréal pourrait réfléchir à
quitter cette zone urbaine très
densifiée pour s’éloigner et
profiter d’une autre qualité de
vie. Déjà certaines régions en
périphérie réfléchissent à des
moyens d’attirer ces gens sur
leurs territoires. Soyons
conservateurs et disons qu’en
fait il ne s’agit que de 5% de
la population du grand Montréal,
soit 60 000 personnes sur les 3
millions de population.
Avons-nous mis en place ce qu’il
faut dans notre région pour agir
rapidement pour bénéficier d’une
partie de cette possible
migration? À force de refuser de
se doter d’outils de
développement régionaux forts,
nous sommes trop faibles pour
amorcer un travail qui exige de
l’agilité pour saisir les
occasions qui se présentent à
nous.
Pour moi,
l’exemple de ce que nous faisons
actuellement du Plan de
développement de la zone
agricole (PDZA) est
symptomatique. Ce plan comporte
un excellent diagnostique. Il
montre des pistes. C’est un plan
qui, si on le suivait, pourrait
changer la réalité de la région
sur une longue période. Un tel
plan donne des résultats sur 20
ans. Si on l’abandonne dans le
premier cinq ans, il ne pourra
jamais évoluer et contribuer à
changer notre région. Est-ce que
nous comprenons réellement
comment réussir le
développement? D’autres régions
nous montrent la voie : il faut
préparer l’avenir d’une part et
saisir toutes les opportunités
d’autre part. Voir à planifier
le long terme et agir avec
agilité sur le court terme.
Il y a une
vingtaine d’années, d’autres que
nous avaient développé une
vision de ce que pourrait être
la région. Il manquait l’argent
pour la faire vivre.
Aujourd’hui, nous avons l’argent
avec le FRR et avec les sommes
générées par le Parc éolien,
mais nous n’arrivons pas à avoir
une vision commune de ce qu’il
faut faire malgré la
planification stratégique
adoptée en 2017.
Voici ce
que je vous propose, reprenons
nos échanges en analysant
ensemble les propositions
contenues dans le document de
2017. Voyons si nous pouvons les
réaliser et avec qui. Nous
saurons alors où mettre de
l’argent en soutien. Plusieurs
partenaires sont prêts à y
contribuer. Pour cela, ils ont
besoin d’un signal venant de
nous, les élus qui siègent au
Conseil de la MRC. C’est
d’autant plus important en ces
temps troubles où les effets de
la pandémie génèrent de
l’incertitude et exigent du
leadership.
On peut
juger aujourd’hui de ce que
celles et ceux qui sont venus
avant nous ont réalisé ou non.
Celles et ceux qui viendront
après nous ferons de même avec
nous. Ils diront que nous avions
tout ce qu’il fallait. Je
souhaite qu’ils puissent dire
que nous avons pris les bonnes
décisions.
Denis Marion
Conseiller régional
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