Apostrophe en catastrophe
À propos de l'honorable citoyen Michaud



En étrange[r] pays dans mon pays lui-même.
Gaston Miron

Militant indépendantiste québécois depuis maintenant plus de deux décennies (trop jeune pour être, à l'instar de M.  Michaud, de ceux de la première heure), je suis aujourd'hui littéralement outré, je dis bien, et par l'Assemblée nationale qui s'est déshonorée et par le Parti (ministériel) québécois qui s'est lui-même ouvertement haché menu par asepsie d'opinion.

M. Bouchard, Premier ministre du Québec, vous avez témoigné d'une véritable poigne de fer dans maints dossiers délicats et difficiles; et vous refusez avec détermination de vous en laisser imposer lorsque vous estimez qu'il y va de l'intérêt collectif (valait infiniment mieux en effet, et ce en dépit de toute démagogie ambiante, fermer quelques hôpitaux que de les transformer tous en saloons où on ne retrouverait pas plus de garçons que la moindre burette d'eau minérale). Visiblement, vous ne craignez pas le ressac de l'opinion publique. Et on ne peut certes pas dire que vous manquez de cran. Aussi par-delà les divergences d'opinions des uns et des autres face à vos décisions, peut-être plus encore à l'égard de la manière de les mettre sur rails (ou de les enrayer au sens agricole du terme), on doit admettre que vous vous tenez bien droit dans vos bottes de chef d'État, si vous me permettez de paraphraser un autre premier ministre d'ailleurs et de naguère. Pareil comportement, j'y consens, commande le respect. Vous ne reculez point devant le coût politique (gouvernemental, partisan ou même personnel) lorsque le bien public ­ ou ce que en toute conscience vous estimez relever de celui-ci ­ est en balance. Votre sens de l'État  vous situe même, de ce point de vue, en parfaite symétrie à tous les petits politiques à la Jean Charest de notre désarmante et falote sinon décérébrée actuelle société.
*

Aussi suis-je à cette heure consterné par votre affaissement subit, immédiat, devant l'ineptie inhérente à ce qu'on appelle communément la rectitude politique. M. Yves Michaud ­ qu'Alain Dubuc (dans son pontificat powercorporé toujours teinté au coin de la mesquinerie et de la mauvaise foi lorsqu'il s'agit d'endiguer au quart de tour toute velléité de maturité au sein de la Québécoisie) s'empresse avec délectation de jeter ce jour même aux orties de l'extrême-droite
** ­ a énoncé des constats élémentaires, qui relèvent infiniment moins de l'idéologie (à vrai dire pas du tout. Et quand bien même!) que des simples faits. Mal lui en prit, assurément, comme du reste à son collègue et ami Jacques Parizeau un soir de 30 octobre.

Monsieur le Premier ministre, vous manifestez un intérêt que je qualifierais de mitigé concernant le projet de Libération du peuple québécois, alors qu'il s'agit là de la Raison d'être fondamentale du parti que vous dirigez. Et depuis que le parti libéral du Canada tire les ficelles à Ottawa (au nombre desquelles il faut compter une kyrielle de Jean Chrétien, de Stéphane Dion, de Pierre Pettigrew, de Lucienne Robillard, de Martin Cauchon, de Denis Coderre, tous prompts au travail de sape de la matrie sous l'oeil consentant, astucieusement silencieux et complaisant de Paul Martin), le Québec se fait littéralement enfoncer, quasi démembrer. À toutes fins utiles le Canada est présentement en guerre civile contre le Québec, toute «civilisée» que puisse paraître cette invasion dans les chairs du corps national québécois. Et vous, pendant ce temps, vous continuez tout bonnement à gérer ce gros village ethnique approximately français que l'on nomme province, c'est-à-dire: lieu habité par des provinciaux...

Or devant les propos 'paliciens', anodins, d'un simple citoyen, en moins de quelques heures vous en appelez rien moins (y participer et l'avaliser, c'est tout comme) au blâme unanime à l'Assemblée nationale. M. le Premier ministre, auriez-vous totalement perdu le sens non seulement des priorités, mais des intérêts supérieurs de la Nation? À quand la Guillotine sur la Colline parlementaire, à deux pieds et une tête du Tribunal révolutionnaire siégeant en permanence pour examen des délits d'opinion...? A fortiori si le citoyen ostracisé est d'obédience souverainiste! Car les Richler, Galganov et autres Diane Francis ou Bill Johnson peuvent écumer tout leur fiel de calomnies sans jamais coups férir.

M. le Président du Parti québécois, à quand l'internement pour appui à votre propre parti???

Le militant péquistosouverainiste en moi ne tenait plus qu'à un fil, monsieur. Je crains que par cet affront monumental vous ne l'ayez désormais complètement coupé. Votre mollesse devant le véritable ennemi, conjuguée à la diligence à condamner vos meilleurs soldats, me confinent à la prostration rageuse et indignée ­ prémices de tous les possibles imprévisibles propres à l'écœurement.

Je ne doute pas de votre sincérité et de votre bonne foi, monsieur le Premier ministre. En revanche, il faut tout de même savoir qu'il y a des moments dans l'existence ­ dans l'Histoire aussi ­ où sacrifier à l'image et à la rectitude du bien-pensant (formule concise pour désigner le plus souvent le peu-pensant) fait plus de mal à un peuple que toutes les stéphanodionneries rassemblées par les fossoyeurs attitrés d'icelui.

Monsieur, que reste-t-il maintenant comme espoir au citoyen que je suis? L'exil? La métamorphose en quelque Paul Rose dans la mire de quelque Royal Canadian Mounted Police? L'autodestruction...?

Vraiment ! M. le Premier ministre, ras-le-bol de ce bol de rats en guise de pays!

Jean-Luc Gouin

Courriel

Province of Quebec
15 décembre 2000

* Décérébrée...? Certes ! Rappel (a contrario), si besoin est : «Trois mandats à Robert Bourassa, trois mandats à Jean Chrétien...» ­ d'écrire et puis d'esquisser le caricaturiste Filio dans le Couac de décembre ­ «...Y faut être fait fort en Tabarnak!».

* * Voir son «Robin de la Race»
. Dès la veille sa collègue de la même P[a]resse, Lysiane Gagnon, ne manquait pas dans «Une matinée consternante» de tenir des propos analogues sinon, s'il en est possible, plus ineptes encore.

En guise de complément par-delà les ans : « Six millions d'arbres »


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