La splendeur, l’ampleur, la dimension témoignent de l’extraordinaire projet de Gustave Eiffel, qui à l’âge de cinquante-sept ans, l’idée germa d’ériger cette tour immense ! À quelle fin pouvait bien servir cette tour d’acier..? Si on veut la comparer à la tour de Babel dans l’histoire de la Bible, est tout aussi invraisemblable. ! Ce soir, j’ai le goût de vous raconter son origine, car je crois qu’elle a beaucoup de choses à nous dire… l’originalité que met l’auteur Luc Alban à décrire cette historique, tout en faisant parler sa tour, informera et amusera les intéressés…
Bonjour, je m’appelle Tour. Je suis née le 31 mars 1889 à deux heures et trente-cinq de l’après-midi. Hé oui, je suis toujours là bien sûr ..! Pour combien de temps encore ..? Demandez le aux ingénieurs, les plus optimistes m’accordaient à ma naissance, un maximum de cinquante ans. J’ai atteint le centenaire, j’en ai cent-onze aujourd’hui. Mon père lui-même, piqua à mon coquet béguin métallique, un petit drapeau tricolore de sept mètres.
Mon père, un ingénieur, un Dijonnais, du pays de la moutarde et du cassis, Gustave Eiffel est mort le 15 décembre 1923, alors qu’il allait présider le dîner, donné, en son honneur, pour son quatre-vingt-onzième anniversaire. Ayant échoué à l’école polytechnique, croyez bien que çà ne l’avait pas empêché de faire son chemin, il avait toutes sortes d’idées neuves pour son temps. C’est lui, qui eut le premier, la pensée de construire des ponts métalliques. Il avait cinquante-sept ans, quand il entendit parler d’une grande exposition mondiale, qui allait se tenir à Paris. Aussi rapide que le vent, l’idée surgit ..! Faire une grande Tour une grande tour entièrement de fer, la plus haute du monde, ce serait un symbole et aussi une formidable attraction , pourquoi pas en faire le clou de l’exposition…?
Des gens très bien, très sérieux, hochèrent la tête… voyons ce n’est pas possible votre machin, çà ne tiendra pas, ou si çà tient, çà s’écroulera au premier coup de vent, et puis, çà coûterait un prix de fou, et pourquoi..? pour rien… Les critiques allaient bon train, plus les gens se posaient des questions, plus çà l’amusait! Quand Gustave avait une idée, il n’en démordait pas. Il aligna des chiffres, gribouilla plus de 5,000 feuilles de papiers qu’il appelait ses plans. Il paraît qu’il y a même mon portrait grandeur nature là-dessus tiré à l’avance. Oui je dis bien grandeur naturelle..! Les plans définitifs en mille feuilles d’un mètre sur quatre-vingts centimètres..! Si vous ne le croyez pas, demandez à les voir, on les a conservés dans les archives de l’entreprise Eiffel, à Levallois-Perret, de quoi, à me donner une sœur jumelle..!
Oh..! j’ai coûté beaucoup de mal à tous ceux qui m’ont, si je puis dire, élevée..! On a commencé à coups de pioche mon berceau, le 26 janvier 1887, deux ans avant ma naissance. Il a fallu pour m’habiller 15,000 milles pièces métalliques, assemblées par 2,500,000 rivets. Je ne pèse pourtant pas tellement lourd, 7,000 tonnes. Il parait d’après les connaisseurs que pour ma taille, je suis d’une inégalable légèreté, d’une suprême élégance. D’ailleurs, j’ai une taille de guêpe, et je n’ai jamais pris le moindre embonpoint. Je suis mince, grande, élancée. Combien me donnez vous pour la hauteur..? Trois cents mètres..? C’est un ragot. Exactement y compris la hampe de mon drapeau j’arrive à 329 mètres 275. Ce qui fait encore, trois mètres de plus, que l’Opéra, Notre-dame, la tour St Jacques, l’Arc de Triomphe, la Bastille, et l’Obélisque superposés..!
J’ai coûté à mon père la coquette somme de 7,799.401 francs fr. De bons francs français d’avant 1914, qui en ferait plus d’un milliard aujourd’hui, où 150 millions de fr. belges ou un million de livres anglaises..! Eh bien, il n’a pas été ruiné pour cela. Moi Tour j’ai tout remboursé en six mois. Comment..? J’étais paraît-il une telle curiosité que tout le monde voulait me voir. On ne les a pas empêchés, au contraire. Contre des tickets d’entrée. Avec 1,968.287 montées, la première année, l’année-record, le (clou) a même fait des bénéfices. Mais, mes visiteurs n’étaient pas tous galants. Certains m’appelaient ( Babel ), d’autres (odieuse colonne boulonnée) ou bien, (masse barbare). Et c’étaient des Parisiens qui s’exprimaient d’une manière si peu aimable, des personnages très intelligents, très cultivés, en vue, comme M. Gounod, le musicien, ou M. Gérôme, le peintre, ou M. Sardou, l’historien ou M. Sully Prudhomme, le poète. Ils durent vite reconnaître leur erreur, quand ils lurent sur mon livre d’or des signatures comme celles de la reine Victoria, du prince de Galles, du roi Léopold –2, des rois Alexandre de Serbie, Alphonse 13, des Altesses, des ducs et des grands ducs, des marquises, des femmes du monde, des académiciens, etc., etc.
Toutes ces réceptions m’ont vite obligée à tenir un train de maison, et à m’assurer d’un personnel suffisant, 30 ouvriers, 10 concierges, et 10 liftiers pour mes quatre ascenseurs..! Pensez donc, aux heures d’affluence, 5,000 personnes par heure peuvent parcourir mon domaine..! J’ai été la première Parisienne à avoir la radio et j’ai ma licence d’émetteur. Depuis cent-onze ans. Ce qui m’a permis de rendre pas mal de services à mon pays, surtout en 1914. J’ai reçu plus de 50,000,000 de visiteurs. Aucun provincial, aucun étranger ne passe à Paris sans venir me saluer. Je suis la plus grande vedette de la capitale..!
On prétend bien que parfois la tête m’en tourne un peu, surtout par grand vent_ dix centimètres d’oscillation, est-ce que çà compte, voyons..? _ Mais il n’y a pas de danger, je ne prendrai jamais des airs penchés comme la Tour de Pise ; ce n’est pas mon genre. Coquette, oui, je l’avoue; je dépense beaucoup pour ma ligne, ma toilette, et mon fond de teint. On a refait ma beauté une vingtaine de fois depuis que je suis au monde. Pour me donner bonne mine, il me faut tout de même trente-cinq tonnes de couleur..! Et des esthéticiens qui n’ont pas le vertige.!
Je ne veux pas vieillir, je me donne un autre centenaire, vous verrez…je suis jeune en un mot je suis Parisienne…
Allô.! Allô.! Vous viendrez me voir.? La Tour Eiffel reçoit toujours….
...BERENGÈRE