CE SOIR IL ME VIENT UNE IDÉE
L’ENCENS
As-tu un jour petite fille essayer de comprendre
le mouvement de l’encens? Vers
quel jeu il peut nous amener à déployer en nous, cette fascination pour
l’illusoire, le
fictif, la chimère, digne du
charlatan! L’encens,
comme le feu qui brûle dans un foyer, et sur lequel
les yeux comme par hypnose ne peuvent se détacher,
illustre bien l’extravagance de chacun, en matière d’élaborer
un schéma, sur le thème qui lui plait, d’orner l’image.
Toi grand- maman, qu’est que tu vois?
Et moi de lui répondre. Je voie une petite fille, qui veux trop
vite prendre son envole, qui va dans tous les sens, sans savoir où elle
va, où çà la mènera, sans aucun souci elle ne se fixe, aucune
direction ne la contrarie.
Elle (la périssable ) = cour= monte = descend, et semble ne plus vouloir s’arrêter tant
la bourrasque qui l’envahie, la fait s’amuser tout comme toi,
charmante enfant. Qu’arrive- t’il Mamie?
Elle prend tout à coup conscience, que plus la fumée monte,
plus elle disparaît pour aller s’évanouir dans l’espace.
Ses yeux cherchent cette trépidante;
moi scrutant les hauteurs, ô surprise!
La revoilà cette fumée qui redescend, je crois qu’elle se
sentait bien seule dans ces cimes profondes, sachant aussi qu’elle nous
privait de ses doux parfums exotiques. Ainsi va l’encens, = on dirait
qu’il prend plaisir
à chatouiller l’exubérance.
On dit souvent de cette précaire, que se sont des âmes
errantes ou peut- être, évoquerait- elle,
une élévation de l’esprit tout comme une prière?
Chose certaine, elle a un effet magique sur nous.
La petite, ce bonheur instantané elle le vivait au même rythme
que cette fumée troublante,
qui semblait lui cacher mille secrets tout aussi troublants.
Que de mystères dans l’air!
Il en va ainsi du bonheur quand il arrive;
on joue avec lui sans craindre de le perdre, il sent bon, son
parfum enivre; mais méfiez-vous, il peut-être rebelle, rébarbatif, et
voilà, qu’ils veulent déjà s’en aller vers d’autres horizons,
croyant qu’ailleurs il en sera bien autrement.
Je remarque que le cône parfumé s’éteint tout doucement;
comment réactiver ces doux moments?
En s’arrêtant, en cherchant, se rappelant ces petits bonheurs
d’antan au fond de coffrets oubliés =
si précieux = en cet instant. Les
avons-nous trop profondément cachés, désertés?
Si nous essayions de les rattraper, c’est ainsi que le cône nous
livre son message, en se retirant quelque peu.
Nous sommes des gens de la terre, d’un terroir, nos petits
bonheurs sont dans nos veines, dans nos mémoires, dans le regard de
l’autre, d’une rencontre antérieure, dans la main d’un enfant que
nous avons un jour tenu, dirigé, = oui, oui, c’est vrai = nous
regardions si haut, lui tout en bas, avec ses fragrances, attendant d’être
séduit.
Oui petite fille, à trop vouloir vivre vite, on passe à côté
de bien de petites joies égarées de la vie.
Si nous allumions à nouveau un cône parfumé? As-tu un
parfum préféré? Patchouli?
Vanille? Quel qu’en soit
l’odeur, cela devient une détente pour nous, un silence, un bien être!
Ainsi réflexion faite, saurons-nous ramener des bonheurs
perdus que le temps semble avoir effacés, se donner d’autres
raisons pour chercher encore par le truchement d’une petite flamme qui
au début, lance quelques étincelles
d’amour, et fait réapparaître une lueur de clarté, pour une
grand-maman et sa petite- fille, qui prirent plaisir à faire naître une
joie enfantine, pour jouer à = ce à quoi=
ressemble un bonheur ?
À la différence de ce feu qui éclair et qui brûle,
l’encens fait voyager l’imagination tout autant que l’esprit de
l’observateur, et selon l’humeur affective du moment.
Et toi petite fille, à quoi joueras-tu la prochaine fois?
BÉRENGÈRE
mardi 11 juin 2002
