Steve Hackett, une vingtaine
de disque plus tard
-Entrevue réalisé par Michel Bilodeau du
magazine Terra Incognita
Particulièrement actif ces
dernières années, que l'on songe par exemple à la publication
de ses deux coffrets en concert et à ce disque inédit «
Feedback 86 », Steve Hackett est revenu à la charge avec « To
watch the storms », son premier disque rock studio depuis «
Darktown» (1999). Un disque électrique (et moins noir
que son
prédécesseur)
qui de toute évidence comble l'ex Genesis qui estime-t-il, vit
vit une des plus belles périodes de sa longue saga de
musicien.
STEVE HACKETT : «Je suis
particulièrement fier de To Watch The Storms. Je
n'irais pas jusqu'à dire que c'est mon disque le plus solide
mais c'est assurément un de mes plus solides. Je serais
tenté d'ajouter un des plus solides en incluant ceux réalisés
avec Genesis. Evidemment à chaque fois que je m'installe
en studio j'essaie de me surpasser. À mon humble avis j'y suis
parvenu avec celui-là. J'ai l'impression que c'est la
somme de ce que j'ai accompli ces dernières années.
C'est très agréable comme feeling. C'est mon disque rock
le mieux produit, le plus varié et je pense que mon groupe et
moi n'avons jamais atteint un tel niveau de précision.
Il y a sur «To Watch The Storms» des pièces qui techniquement
sont très exigeantes comme par exemple «Mechanical Bride».
Une pièce que l'on ne peut pas rendre sur scène si on n'a pas
un groupe rôdé et solide. Je m'estime chanceux de
pouvoir travailler avec un tel groupe. En fait, je suis en
amour avec mon groupe. Je veux me retrouver sur scène le
plus souvent possible et présenter un maximum de concerts pour
promouvoir ce cd. Je pense que ça serait dommage de ne pas le
pousser»
T.I. : Est-ce
que vous profitez de vos tournées pour assister à des concerts
d'autres artistes?
S.H. : Pas autant que je
le souhaiterais. L'année dernière lorsqu'on s'est
produit à Québec j'ai été voir quelques concerts. La
dernière fois que j ai été à la Nouvelle-Orléans j'ai assisté
à énormément de spectacles.
T.I.: Ces
concerts peuvent-ils vous inspirer en tant que musicien?
S.H.: Tout ce que j'entend peut
m'inspirer. Mais, pour moi, ce n'est pas la seule source
d'inspiration et peut être même pas la principale. Je lis
beaucoup de livres et je pense que ces livres m'inspirent tout
autant et parfois plus que les concerts auxquels j'assiste et
les disques que j'écoute. Un livre c'est une conversation
silencieuse. Un monde parallèle. Des émotions qui
naissent des mots. Les auteurs s'inspirent de leur
propre vie ou alors de celles de gens qui les entourent ou
qu'ils observent. Ce qui fait que parfois le lecteur est
la troisième personne dans la chaîne. Nous sommes tous
prisonnier de nous-mêmes. C'est fascinant lorsque
quelqu'un te fait partager son expérience ou celle d'une autre
personne selon son point de vue d'observateur. Une
perspective en circonvolution. Ce qui m'intéresse,
entres autres, c'est d'apprendre comment les gens vivaient à
d'autres époques. Comment ils envisageaient la vie.
T.l.:
Comme par exemple pour la pièce «Rebecca» que l'on retrouve
sur «To Watch The Storms»?
S.H.: Exactement. C'est
vraiment la lecture de ce livre de Daphné du Maurïer qui m'a
inspiré «Rebccca»
T.I.: Cett
année vous avez publié sur votre étiquette le disque «Genesis
for Two Pianos» de Yngve Guddal et Roger T.Matte. Est-ce
que c'est vous qui avez pris la décision de publier ce disque?
S.H.: C' est une décision de
mon gérant et moi. Lorsque nous avons écouté les bandes, nous
avons trouvé que c'était vraiment du beau boulot. Les
versions sont personnelles et elles font la démonstration que
la musique de Genesis a de bonnes assises classiques.
Ils ont amené ces pièces au niveau de compositions classiques.
T.l. Avez vous
d'autres projets de ce style dans vos tiroirs?
S.H.: Pour ce qui est d'offrir
des contrats à d'autres artistes la réponse est non. Je
ne pense pas que l'on pousse l'expérience beaucoup plus loin.
J'ai avant tout fondé ma maison de disques, Camino Records,
pour m'assurer de la diffusion de mon propre matériel et c'est
toujours sa principale raison d'être. Nous ne sommes pas
en position pour supporter de nombreux projets. Si nous
commençons à signer d'autres artistes nous n'aurons sûrement
pas les moyens financiers de tout promouvoir et on se
retrouvera avec des musiciens frustrés dont fort probablement
moi (rires)
T.l.: Mais vous
avez assurément des projets en chantier?
S.H.: Oui, quelques-uns en
effet. Je travaille présentement sur de nouvelles
compositions classiques et d'autres rock. Du moins le
classique et le rock vu par Steve Hackett! Lorsque je
parle de compositions rock, elles peuvent inclure des éléments
de jazz, de pop et, même si je dois avouer que je n'aime pas
trop l'étiquette, aussi des éléments de musiques du monde.
Je pense que c'est une étiquette qui aujourd'hui a perdu tout
son sens. C'est aussi le cas de l'étiquette rock
progressif qui, à mon avis, est devenu un handicap plus
qu'autre chose. C'est très limitatif. Plusieurs amateurs
s'attendent systématiquement à entendre de longues pièces.
Une longue pièce n'est pas nécessairement bonne seulement
parce qu'elle est longue. Il y a des pièces qui peuvent
être très courtes et être progressives. Je pense qu'il
faut que la musique soit plus libre que cela. Ma vision
du progressif englobe tout aussi bien des éléments de
flamenco, de rock et de jazz que de musique classique.
Par exemple,
pour
plusieurs «Horizons», juxtaposée à «Supper's Ready», est une
pièce progressive mais elle m'a été complètement inspirée par
des musiques remontant à plusieurs siècles. Je me suis
toujours intéressé à d'anciens compositeurs. C'est ce
qui m'a amené à réaliser avec mon frère le disque ponant sur
la musique de Erik Satie. Pour moi, sa musique, tout comme
celle de Debussy, est un reflet du mouvement impressionniste
en peinture. Un reflet de cette époque.
T.l.: Est-ce
qu'un nouveau disque de blues figure parmi vos prochains
projets?
S.H.: Pas pour le moment.
Cependant je n'écarte pas cette éventualité. Mais je
veux le réaliser en collaboration avec d'autres musiciens et
sous un nom de groupe. Je ne veux pas que ce soit un disque de
blues de Steve Hackett.
T.I. : Qu'en
est-il de votre collaboration avec Evelyn Glennie?
S.H.: Nous
avons présenté trois concerts en quatuor. C'est à dire
Roger King et Philip Smith aux claviers, Evelyn Glennie aux
percussions et moi-même à la guitare. J' avais composé des
pièces pour ces concerts et nous avons énormément improvisé.
Nous avons un cd de matériel mais je ne sais pas si nous
allons publier ces bandes. Peut être plus tard. Ce n'est pas
une priorité pour moi.
T.I.: Vous êtes
particulièrement actif ces dernières années. Vous
sentez-vous pressé par le temps qui passe?
S.H.: Pas vraiment. Je
pense qu'il n'y a pas d'âge pour créér. J'ai franchi le
cap de la cinquantaine il y a quelques années et il me reste
encore pas mal d'années devant moi. De toute façon je sais que
je pourrais toujours réaliser mes projets. J'ai mené de
nombreuses recherches et pour moi c'est une évidence qu'après
la mort nous continuons à évoluer.
-Michel Bilodeau