dimanche 20 juillet 2008
Les Aboyeurs au TCM : bienvenue dans le
merveilleux monde des médias régionaux !
Hélène Goulet - collaboration spéciale
La toile de fond de la pièce Les Aboyeurs,
écrite par le dramaturge québécois Michel Marc Bouchard et présentée au Théâtre du
Chenal-du-Moine cet été, m’a personnellement interpellée à titre d’ancienne
journaliste.
L’histoire
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Robert Brouillette (Germain) et
Sylvain Marcel (Léopold) |
En effet, l’histoire tourne autour d’un média
régional, en l’occurrence, dans cette pièce, d’une station de télévision
régionale : Anita et Philippe, deux journalistes vedettes déchus de la «grande
télévision nationale», aboutissent dans la station de télévision régionale de
Villebleue, paisible municipalité où les nouvelles doivent être «des bonnes
nouvelles» et non des catastrophes. Mais au national, ça ne se passe pas ainsi,
car les scoops les plus juteux ont odeur de scandale et de catastrophe.
L’arrivée d’Anita (Martine Francke) et
Philippe (François Chénier) bouleverse donc la petite vie paisible des membres de
la station. L’animatrice-maison, Rachel (Chantal Baril), est rétrogradée au
secteur socio-culturel et Léopold (Sylvain Marcel), le propriétaire un peu radin,
est pour sa part troublé par Philippe, qu’il croit à tort homosexuel. Toutes les
activités se déroulent sous le regard perspicace de Germain (Robert Brouillette),
homme à tout faire, caméraman, maquilleur et psychologue à ses heures, comme il se
doit dans une station régionale.
Anita et Philippe essaient bien de déterrer
quelques nouvelles sensationnelles, mais ne se doutent pas que Rachel, dépitée
d’avoir été rétrogradée et jalouse des succès d’Anita, une ancienne camarade de
classe qui «pète plus haut que le trou», les lance sur de mauvaises pistes. Rachel
espère en effet causer leur perte et rependre sa place comme principale vedette de
la maison.
Léopold, pour sa part, poursuit Philippe de
ses assiduités, ce dernier se gardant bien de lui dire qu’il n’est pas du tout
homosexuel afin de conserver son poste. En fait, lui et Anita sont amoureux fous
l’un de l’autre mais veulent garder la chose secrète pour ne pas briser leurs
carrières.
Rachel réussira à prouver sa compétence même
si elle œuvre dans un média régional, généralement réputé complaisant envers les
commanditaires et les politiciens, à l’inverse de ses deux nouveaux collègues, qui
frisent le ridicule en annonçant des nouvelles qui s’avèrent des pétards
mouillés.
Déroulement de la pièce
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De gauche à droite, les
comédiens Martine Francke (Anita), Chantal Baril (Rachel), Robert Brouillette
(Germain) et Sylvain Marcel (Léopold)
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Certains gags m’ont fait sourire,
reconnaissant entre autres le mépris généralement observé des médias nationaux
pour les médias régionaux. Les journalistes nationaux (et la cour qui les suit,
caméraman, recherchiste…) ont en effet l’habitude de regarder les «régionaux» de
haut. Ces derniers, résistant à se sentir inférieur, méprisent à leur tour les
nationaux qui ont besoin de toute une équipe pour réaliser un reportage, alors
qu’eux-mêmes font tout eux-mêmes: recherche, photos, voire caméra à l’épaule.
Signe des temps, pas de portes qui claquent et
de quiproquos chers à l’ancien propriétaire du TCM, Reynald Bergeron. Ses fils
Vincent et Mathieu, qui ont maintenant pris officiellement la relève, semblent
vouloir renouveler le genre – la diffusion d’un pièce d’un auteur québécois en est
un indice, notamment – tout en gardant certaines pratiques qui ont valu au TCM
son excellente réputation. La présentation de Vincent Bergeron, avant le début de
la pièce, est en effet un bon exemple du légendaire accueil chaleureux et
convivial qu’on a toujours voulu préserver au TCM. Les gens s’y sentent toujours
très bien accueillis.
Cela dit, la pièce, dans son ensemble, nous
laisse sur notre faim, car elle part dans tous les sens : sensationnalisme
journalistique, relations amoureuses, soif de gloire. La fin (je ne peux pas
vraiment vous la dévoiler, même s’il ne s’agit pas d’un «scoop» comme tel), m’a
laissée perplexe, pour tout dire. Certaines ficelles sont trop grossières pour
pouvoir en rire franchement. À titre d’exemple, la (non) vérification des sources
par les journalistes vedettes. S’il est vrai qu’il peut y avoir du laxisme dans la
profession, dans la pièce, c’est un peu rude à avaler.
Par ailleurs, la mise en scène de Bernard
Fortin est, comme d’habitude, de qualité… quoique moins efficace qu’à son
habitude ? Il semble que le style de la pièce se prête moins au talent de M.
Fortin, qui est notamment d’assurer un «timing» impeccable sur scène. Qu’on se
souvienne de ses réalisations précédentes où les comédiens qu’il a dirigés
effectuaient pirouettes, pitreries et tours de passe-passe au quart de tour, ce
qui donnait énormément de rythme aux pièces présentées.
Les comédiens
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Les comédiens François Chénier et
Sylvain Marcel |
En effet, contrairement aux années passées,
les rôles attribués aux comédiens sont à peu près d’égale intensité. Aucun d’entre
eux a un rôle à l’avant-scène, ce qui a priori, démontre un certain équilibre.
Tous offrent une performance impeccable et sympathique.
Avec cette qualité de comédiens sur scène, je
me suis surprise à regretter ces «numéros d’acteurs» qui ont par le passé soulevé
d’énormes éclats de rire de l’assistance, laquelle communiait littéralement avec
l’acteur ou l’actrice venant de faire une performance magistrale.
Quelques allusions à la fameuse publicité de
Familiprix (Ah…. AH !) attribuables à la présence sur scène du comédien qui l’a
rendue si populaire, Sylvain Marcel, m’ont un peu agacée, car redondantes. Il est
temps que ce merveilleux comédien, qui sait vraiment faire autre chose que de la
pub, délaisse cette association automatique : que l’on pense entre autres à son
rôle de truand dans la série Le Négociateur où il était vraiment troublant
de vérité et digne d’un trophée (Métrostar ou Artis). Il n’a pas besoin de
toujours rappeler la publicité qui l’a fait connaître. Son jeu dans Les
Aboyeurs est également tout à fait digne de mention.
Fort sympathique, Robert Brouillette a lui
aussi fait une allusion à la série «Quatre et demi» qui l’avait mise en vedette
il y a quelques années à la télévision. Curieusement, l’assistance, du moins le
soir où j’étais dans la salle, n’a pas semblé relever cet aparté. Le gag est
tombé un peu à plat. Mais comme ce fut bref, ça n’a pas entaché le jeu du
comédien qui était très présent sur scène et qui, avec le regard lucide et terre à
terre de Germain, constituait en quelque sorte le lien entre l’assistance et
l’action.
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Sylvain Marcel et Martine Francke |
Chantal Baril, qui n’en est pas à sa première
apparition sur la scène du TCM, joue avec brio et justesse son rôle d’animatrice
maison rétrogradée pour faire de la place «aux vedettes nationales».
Martine Francke, que je voyais pour la
première fois sur la scène du TCM, a également su composer une Anita à la fois
sure d’elle-même et vulnérable, faisant sourire l’assistance avec l’accent
vaguement snobinard qu’elle utilise pour présenter son bulletin de nouvelle.
En conclusion, le fait de connaître «le
milieu» des médias m’a valu quelques sourires supplémentaires, en comparaison avec
les gens qui sont peu familier avec ce monde qui possède ses propres codes. Une
spectatrice, assise à l’arrière de moi, riait de bon cœur aux gags de la pièce.
D’autres personnes, entendus à l’entracte, semblaient pour leur part déroutés par
l’action, un peu confuse à leurs yeux.. Les critiques sont partagées et donc, la
seule façon de vous faire votre propre opinion, c’est de vous rendre au TCM cet
été !
Pour plus d’information et pour réserver des
billets, rendez vous sur le site www.tcm.qc.ca.
Hélène Goulet