Tout comme le reste de
la salle du Théâtre Hector-Charland, je savais à quoi
m’attendre avec Three Friends, titre de l’un des plus
populaires albums du groupe Gentle Giant. Deux anciens
membres en font partie. J’ai nommé le talentueux guitariste
Gary Green et le batteur Malcolm Mortimore qui avait été à
ce poste, seulement pendant une très courte durée, au tout
début de cette formation originale. Ce groupe, le vrai,
m’avait lui-même conquis depuis longtemps. C’est toujours
revenir loin dans le temps, lorsque l’on assiste à ce genre
de spectacle. Que de souvenirs !
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GARY GREEN
(Membre original) |
Il est à n’en pas
douter, je n’étais sûrement pas le seul dans ce théâtre de
L’Assomption à avoir aussi assisté à l’une ou l’autre de
leurs performances, pendant les années 1970. C’était dans
des endroits comme « La place des nations », le « Forum de
Montréal » et autres salles du Québec à être beaucoup plus
vaste. Il faisait pourtant salle comble. À l’époque c’était
du bonbon pour celles et ceux qui se plaisaient à écouter
cette musique rock qui sortait de l’ordinaire. C’était ce
qu’on avait commencé à appeler de la musique rock
progressive. Et, un peu comme le groupe Jethro Tull
(formation également britannique) se plaisait à le faire,
Gentle Giant baignait également dans une forme de folk
progressif très articulée. Jadis, tous les membres
échangeaient constamment leurs instruments. Nous savions
qu’ils faisaient parti d’une race à part. Et avec quelle
délicatesse ils le faisaient ! Bref, c’était ça Gentle Giant
!
Mon ami Réjean
Charbonneau a d’ailleurs la plus belle définition qu’on
puisse faire de ce groupe et sa musique;
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MALCOLM
MORTIMORE (Membre original) |
Gentle Giant était
un groupe unique et
novateur qui, à la façon d'un alchimiste, avait su nous
dévoiler avec audace, il y a 42 ans, une toute autre facette
de la musique. C’est une musique d'une élégante complexité
qui se distingue par une variété impressionnante
d'instruments conventionnels ou non, de multiples harmonies
vocales, incluant des superpositions et des décalages au
niveau du chant, des rythmes saccadés nourris de
contre-temps et de syncopes, sans oublier bien sur les
effets sonores hallucinants parsemés ici et là. À première
écoute cette musique nous semble tout à fait désorganisée
voire même cacophonique, improvisée et asynchrone. Cependant
après quelques auditions nous en découvrons et apprécions
toutes les subtilités et richesses pour finalement en
déduire l'indéniable qu'il s'agit là de la désorganisation
musicale cacophonique la plus brillamment structuré qui soit
et qui une fois assimilé peut même intoxiquer les neurones.
J’ajouterai, quoi dire de plus !
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MICK WILSON
(ancien 10cc) |
Hier c’était à peine ça…
Bien sûr que les gens ont appréciés ! Three Friends a dû
revenir sur scène à deux reprises ! On ne parle cependant
pas d’un groupe qui n’a jamais arrêté de se faire valoir. On
parle d’un groupe reconstitué qui tentait tant bien que mal
d’en jouer le jeu, avec des musiciens définitivement plus
statiques. Un jeu quelquefois dangereux, lorsque l’on
connaît la profondeur auxquels les « vrais » nous avaient
habitués. Mais bon… le plaisir en valait tout de même la
chandelle ! L’ex chanteur de 10cc, Mick Wilson, semblait
tellement habité par une musique qui n’avait pas toujours
été la sienne, que nous étions prêt à lui pardonner ces
quelques petits accros, considérant qu’il devait s’efforcer
de chanter beaucoup plus haut qu’il semblait en être
capable. Était aussi de la partie, l’excellent bassiste Lee
Pomeroy autrefois de la formation Archive, et le claviériste
Malcolm Sanctuary, qui avait quant à lui, de bien grands
souliers à chausser.
Je tiens toutefois à
préciser que la présence de d’autres noms avaient aussi été
mentionnés, au point de s’y perde. Mais ils n’y étaient pas
tous. Et même que le nom de la multi-instrumentiste,
Charlotte Glasson, n’était pas prévu au programme. Ça aura
pris Réjean (La filière progressive) pour me révéler sa
présence. Je dois dire qu’elle s’en est très bien sorti. Je
dirais même plus, qu’il s’agissait d’une lourde tâche,
considérant qu’ils étaient cinq membres à s’échanger ce
genre d’instruments, originalement, alors qu’elle était
seule.
Une première partie
était aussi au programme ! Le groupe montréalais Hamadryad !
J’apprenais, seulement quelques jours du spectacle, qu’il
allait avoir la lourde tâche de conquérir le cœur des
disciples « Gentle Giantiens » à envahir cette salle de
L’Assomption. Moi j’étais peut-être de la minorité qui
souhaitait voir ce groupe depuis longtemps. Qui sait ! En
fait, un ami m’avait fait connaître Hamadryad depuis un
certain temps, et ce n’est pas la radio « conventionnelle »
qui allait me rafraîchir la mémoire sur leur existence.
J’étais donc excessivement curieux d’entendre là où ils en
étaient rendus. D’abord, permettez-moi, ces gars là
débordent d’énergies ! La complicité avec laquelle ils
s’exercent nous convainc dès le départ qu’ils n’ont pas de
complexe d’infériorité. Et tant mieux, on pouvait passer à
autres choses… La musique si bien exprimée était devenu le
point d’attraction. Ils semblaient même nous faire accroire
que ce métier de musicien, c’est avant tout un jeu. On peut
la mimer en s’éclatant, on peut la manipuler comme on le
ferait avec une revu, mais il faut avant tout la contrôler
parfaitement. Et de ce côté c’était mission accompli. Je
veux les revoir ! Je veux pouvoir les apprécier plus qu’à la
sauvette! Je veux réentendre la pièce de huit minutes qu’ils
ont dû écourter, parce qu’on les avertissait que leur tour
était fini. C’est comme ça les ouvertures de show.
Je suis certain,
qu’avant longtemps, ce sera leur propre concept que nous
pourrons apprécier. Ce sera une performance rôdée d’un bout
à l’autre. Pour l’instant, j’écoutais leur dernier CD à
tue-tête en me déplaçant dans mon véhicule ce matin. J’vous
avais-tu dit que j’avais été conquis par cette musique
intelligente et moderne à souhait !
Roger Pion