Interview avec Bruno Spengler
Montréal, Canada, le 12 octobre 2004
– Le coureur automobile québécois Bruno Spengler a terminé sa
saison 2004 en Euro Série de Formule 3. Le pilote officiel
Mercedes-Benz et ambassadeur du Casino de Montréal et du Parc
Omega de Montebello s’est classé au 11e rang du
classement des pilotes avec un total de 27 points. Spengler, 21
ans, pilotait une monoplace Dallara à moteur Mercedes pour le
compte de l’écurie allemande Mücke Motorsport. Il a décroché une 3e
place, deux 5e places et trois 6e places.
Bruno Spengler répond ici à
quelques questions :
Question :
Tout d’abord, la saison 2004, durant laquelle tu n’as grimpé
qu’une seule fois sur le podium, n’a visiblement pas répondu à tes
attentes…Bruno
Spengler : Non, elle n’a pas
répondu à mes attentes. L’objectif de départ, avec l’équipe Mücke
Motorsport, était de remporter le titre cette année tout en
sachant que ce championnat de Formule 3 serait extrêmement disputé
et très difficile.
Question :
Pourtant, l’équipe Mücke Motorsport croyait vraiment en toi au
début de la saison ?
Bruno Spengler :
Oui c’est
vrai, et moi, je croyais beaucoup en cette équipe. On a fait pas
mal d’essais privés durant l’hiver passé avec mon nouveau
coéquipier. Je croyais vraiment en cette équipe.
Question :
Mais on aurait dit que ces essais hivernaux n’étaient pas très
concluants et même que vos chronos n’étaient pas très compétitifs…
Bruno Spengler :
Premièrement, on a effectué presque tous nos essais
d’intersaison seuls en piste. Nous ne savions pas le potentiel des
autres équipes. Deuxièmement, on a presque toujours roulé dans des
conditions climatiques très changeantes avec de la pluie, du
brouillard et du froid. Dans ces conditions, nos chronos
semblaient être compétitifs. Toutefois, ce n’était pas le cas.
Dernier point, mon nouveau coéquipier, Robert Kubica et moi étions
deux nouveaux pilotes dans cette équipe et nous manquions de
points de repères.
De plus, un des ingénieurs de l’écurie est parti à la fin de la
saison 2003, ce qui a amplifié les problèmes. C’est à partir du
moment où nous avons confronté la concurrence que nous avons pu
faire le bilan de nos essais hivernaux. Le plus gros de nos soucis
était l’exploitation des pneus neufs, ce qui a rendu difficile
toutes les séances de qualification.
Question :
Ta voiture a été compétitive qu’une seule fois, à Magny-Cours au
Grand Prix de France, où tu as enfin grimpé sur le podium. Comment
l’expliquer ?
Bruno Spengler : Ça a été la
seule épreuve de Formule 3 de la saison tenue en même temps qu’un
Grand Prix de Formule 1. Les conditions de piste étaient très
différentes de celles des autres manches, une conséquence de la
couche de gomme adhérente laissée par les pneus de F1. Lors de
cette épreuve, j’ai eu beaucoup plus de facilité à utiliser nos
pneus neufs durant les qualifications. Ceci m’a permis de me
qualifier sur la 3e ligne à deux reprises et faire de
bonnes prestations en course et de décrocher un podium.
Question :
Alors, le problème venait-il de ton pilotage ou bien d’un défaut
dans la voiture ?
Bruno Spengler :
Ayant fait le bilan des deux premières courses de la saison, nous
nous sommes concertés, pilotes et ingénieurs de Mücke Motorsport,
pour redonner un sens de travail. Effectivement, à Adria, un
changement a été effectué sur la voiture même s’il ne convenait
pas aux deux pilotes, d’ou la difficulté à adapter une
méthodologie de travail pour Robert (Kubica) et moi. Durant la
saison, quelques modifications aérodynamiques et mécaniques ont
été apportées mais insuffisantes pour combler notre retard. Durant
la saison, il est très difficile de rattraper le retard technique
pris en début d’année quand on connaît le niveau de compétitivité
des autres équipes présentes sur le plateau. Il est certes
difficile de progresser en pilotage quand les soucis de mise au
point ne sont pas résolus.
Question :
Ton ingénieur n’a jamais été capable de mettre le doigt
sur le problème ou de t’aider dans ton pilotage ?
Bruno Spengler : Je lui ai
longtemps fait confiance, mais nous n’avons jamais pu trouver de
solutions techniques.
Question :
As-tu commencé à douter de tes capacités durant la
saison ?
Bruno Spengler :
Non. J’ai toujours cru qu’on progresserait. J’avais
confiance. Je n’ai jamais baissé les bras. J’ai tout donné.
Question :
La confiance dans l’équipe s’est-elle brisée à un
moment donné ?
Bruno Spengler :
Je suis allé chez Mücke Motorsport pour gagner des
courses et j’y ai sincèrement cru jusqu’à la dernière épreuve le 3
octobre dernier.
Question :
Ton coéquipier, Robert Kubica, s’en sort quand même
mieux, pourquoi ?
Bruno Spengler : C’est parce que
j’ai privilégié la prise de risques, tout simplement. Par exemple,
quand la piste mouillée s’asséchait durant une séance d’essais ou
de qualification, j’étais le premier à faire installer des pneus
secs. En course, je prenais beaucoup plus de risques que lui.
Parfois, j’ai eu tort et j’ai effectué des erreurs de pilotage
mais le but ultime de la course automobile est d’obtenir le
meilleur résultat possible. J’ai effectué des remontées
spectaculaires qui prouvent que j’ai pris énormément de risques. À
Brno, où je démarrais 3e, je devais doubler mes deux
adversaires dès le départ. J’ai tenté de passer entre les deux et
ils m’ont enfermé et ma voiture a fait un vol plané. Je devais
prendre ce risque pour espérer gagner.
Question :
Comment vis-tu le fait que ton ancienne équipe, ASM, a
tout gagné cette année ?
Bruno Spengler : Tant mieux pour
eux.
Question :
Mais qui a pris la décision d’aller chez Mücke Motorsport au lieu
de demeurer chez ASM ?
Bruno Spengler : Mon agent
autrichien m’a contacté tout de suite après la dernière course de
la saison 2003 et m’a proposé une place chez Mücke Motorsport.
Voyant les résultats obtenus par cette équipe en 2003, avec les
trois victoires et le titre de vice-champion de Christian Klien,
je lui ai fait confiance. Sur papier, ça paraissait être une
équipe gagnante.
Question :
Quelles sont tes options pour la saison prochaine ?
Bruno Spengler : Pour l’instant,
il y a quelques options sérieuses. Mon agent pour l’Amérique du
Nord, Anne Roy, travaille très fort afin de réunir le budget
nécessaire. Je vais d’ailleurs effectuer des essais en novembre au
volant d’une nouvelle voiture. Il s’agit toutefois de faire le bon
choix et de trouver le budget requis. Mais j’ai confiance car
plusieurs personnes du milieu de la course automobile ont bien
observé comment j’ai vécu cette saison pénible.
René Fagnan